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De l’écoquartier à la ville durable. Des clefs pour (re)penser la question sociale

Editorial. La question environnementale est devenue l’un des filtres les plus puissants d’analyse du cadre de vie et est depuis plusieurs années progressivement intégrée dans les politiques territorialisées et en particulier dans l’aménagement, au travers de différentes démarches telles que les Agendas 21, le Grenelle de l’environnement, la labellisation d’écoquartiers et autres procédures de certification de la qualité environnementale dans l’habitat et l’urbanisme. Pour autant, force est de constater que les démarches de développement durable, lorsqu’elles sont appliquées à nos villes, peinent encore à renouveler l’approche de la question sociale et à transformer en profondeur les pratiques, les politiques et les systèmes d’acteurs. Dans le cadre de nos travaux, nous avons pu constater, sur le terrain, qu’un grand nombre de questions sociales posées par la ville durable restaient peu investies dans les réflexions locales. Pire, l’instabilité et la confusion des termes nécessitent quelques recadrages théoriques. Car, aussi bien dans les discours politiques que dans les écrits scientifiques, un amalgame quasi-systématique est en effet opéré entres les termes “d’écoquartiers” (avant tout ciblés sur des actions relevant de techniques écologiques) et de “quartiers durables”, qui renvoient à une approche plus intégrée des dimensions sociales, économiques et environnementales, et donc à l’articulation avec d’autres échelles territoriales que celles du simple quartier.

Les évolutions récentes vers une meilleure prise en compte de la dimension sociale dans l’aménagement et l’urbanisme, dont témoignent notamment le travail que nous avons réalisé pour la DREAL de Lorraine et notre recherche en cours les impensés socio-démocratiques de la ville durable, ne doivent pas éluder le fait que les nouveaux quartiers d’habitat restent encore largement marquées par une approche “technico-environnementale”, institutionnelle et descendante, c’est à dire largement issue des politiques, de leurs ministères et des acteurs de la construction. A plus grande échelle, si le développement durable exprime un problème majeur et propose une nouvelle philosophie d’intervention, il n’apporte pas directement de solutions nouvelles pour traiter les questions démocratiques et les inégalités socio-spatiales telles qu’elles s’expriment dans la ville contemporaine.

Pour autant, une voie médiane semble se dessiner entre, d’un côté, les propos quelques peu lénifiants de ceux qui consacrent le développement durable comme la nouvelle utopie pour construire la ville de demain (quitte à nier les contradictions existant entre les dimensions sociales, économiques et environnementales du développement) et, de l’autre, ceux qui ne voient dans le développement durable qu’un nouvel emballage, une affaire de marketing territorial[3]. Cette voie médiane consisterait à reposer la question sociale à la lumière des principes et valeurs portés par la ville durable. Promouvoir et réaliser des « quartiers durables » renvoie en effet à la nécessité, pour les chercheurs et les professionnels de terrain que nous sommes, de réinventer ou tout du moins de repenser les échelles de la proximité, face à ceux qui mettent en avant la montée des individualismes, l’émergence d’une ville « monde » ou d’une ville « réseau » qui se jouerait des espaces de proximités et des centralités. Il nous apparaît dès lors impératif d’évaluer la capacité qu’auront les quartiers dits durables et, plus largement, les politiques de développement durable à « faire société ». C’est le propos que nous souhaitons développer dans ce numéro : comment cette montée en puissance des politiques de développement durable peut-elle contribuer à poser différemment la question sociale ? En quoi peut-elle nous permettre de mieux traiter les phénomènes de ségrégation socio-spatiale et contribuer à résorber le déficit démocratique constaté dans la production et la gestion de nos villes ?

Dans cette optique, nous publions ici la recherche-action qui nous a été confiée en 2010 par la DREAL de Lorraine et qui porte sur l’un des objets « fétiches » de la ville durable et sur ce qui apparaît à ce jour comme l’une de ses réalisations les plus concrètes : « l’écoquartier ». Les services de l’Etat nous ont en effet demandé d’analyser ce que pourrait recouvrir le volet social des projets « d’écoquartiers », afin de les aider à affirmer leur propre positionnement auprès de maitres d’ouvrage locaux d’une part, de partager avec les collectivités des outils et des méthodes pour appréhender au mieux la dimension sociale des projets, d’autre part. Cette démarche à donné lieux à un cadrage théorique de la question avec l’appui du bureau de recherches Aménité(s) et à une analyse comparée de cas lorrains, français et européens, avec le concours du bureau d’études Eureka 21.

Dans le prolongement de cette analyse, Guillaume Faburel et Camille Roché, du laboratoire Aménité(s), nous proposent une typologie de cas français et européens pour analyser comment les écoquartiers, en tant que projets techniques et architecturaux, tentent de s’ouvrir davantage aux questions sociales. La complexité des analyses développées est à la hauteur du caractère foisonnant des discours et des approches sur la ville durable, mais conclut de manière relativement optimiste à la transformation progressive des projets « d’écoquartiers » en une nouvelle génération de projets « socio-écologiques », plus attentifs aux problématiques sociales et aux sociétés locales.

Avec l’article de Jean-Didier Laforgue, c’est le regard de l’architecte et du praticien qui domine. Il démontre, par des exemples concrets, qu’il serait pertinent de s’atteler à associer la société civile dans la conception des « écoquartiers », plutôt que de toujours chercher à faire correspondre les attentes et les pratiques des habitants avec les solutions techniques et environnementales que l’on a pensées pour eux.

Taoufik Souami assume d’emblée la notion de « quartiers durables » pour cependant très vite interroger leur capacité à produire du lien social et de la mixité à l’échelle de la ville dans sa globalité. Tout en relativisant le « mythe de quartiers durables fondés sur une culture écologique commune des citoyens du Nord de l’Europe », il ne pense pas pour autant, exemples à l’appui, que ces quartiers soient réservés à une élite économique ou culturelle. Le « risque social » qu’il dénonce viendrait plutôt à ses yeux du rôle prépondérant que l’on donne aux habitants en matière de gestion du quartier et de régulation du lien social, un rôle selon lui difficilement généralisable à l’ensemble de la société… au risque de la sécession urbaine d’une partie de la population.

Dans une conclusion en forme d’ouverture vers les enjeux du traitement des quartiers en difficulté et en préparation d’un probable deuxième programme de rénovation urbaine, je constaterai pour ma part que les démarches de développement urbain durable se sont encore très peu confrontées aux contraintes du renouvellement urbain et à la prégnance des enjeux socio-économiques qui caractérisent les quartiers prioritaires de la politique de la ville. J’inviterai donc à prolonger la réflexion développée autour de la dimension sociale des écoquartiers, pour imaginer les transferts possibles de méthode et d’expérience en direction des quartiers en difficulté. Les éléments présentés constituent ainsi les premiers jalons d’une réflexion qui sera développée, tout au long de l’année 2012, par deux centres de ressources Politique de la ville particulièrement concernés par le sujet : ceux de la Seine-Saint-Denis et de la région Rhône-Alpes.

 Damien BERTRAND

Gestion

Type : bibliographie

Créée le : 20/12/2022

Cote : AME3342