Le Grand territoire face au besoin de renaturation

Pour sa nouvelle étude, l’Agence a travaillé sur le cadre agro-naturel du Grand territoire. S’ils semblent périphériques, les espaces naturels, agricoles et forestiers concentrent des enjeux bel et bien centraux. En effet, le changement climatique et la trajectoire vers le « Zéro artificialisation nette » (ZAN) en 2050 rebattent les cartes de l’aménagement du territoire. Les effets de ce changement de paradigme seront d’autant plus visibles dans les espaces qui jusqu’ici servaient de réservoir foncier. 

Avant de se pencher sur les enjeux de préservation des espaces naturels, l’Agence s’est d’abord attachée exposer la situation en dressant le portrait-robot complet du Grand territoire : « la vallée de la Seine dispose d’une biodiversité très riche », mais « régulièrement interrompue par les villes et notamment leurs espaces industriels, qui se sont développées le long du fleuve », indique d’abord l’étude. Sur les vastes plateaux qui ceinturent cet axe prédominent les fonctions agricoles et notamment céréalières.

Un bouleversement à anticiper

C’est en prenant en compte ce terrain et ses particularités que le Grand territoire doit répondre aux défis environnementaux, écologiques et paysagers à venir. « Dans un contexte de changement climatique, les espaces agro-naturels deviennent de plus en plus vulnérables et exposés aux aléas. La lutte contre l’artificialisation des sols constitue également un enjeu important pour la préservation de ces espaces », explique l’étude qui rappelle que le dernier rapport du GIEC considère comme certaine une hausse des températures de 1,5° au cours de la décennie 2030, « soit au niveau des objectifs fixés dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat à l’horizon 2075 ».

Les milieux seront nécessairement impactés par ce bouleversement. L’exemple du hêtre est l’un des plus représentatifs. Cette essence est particulièrement vulnérable aux étés chauds et secs et risque de disparaître de Normandie avant la fin du siècle, , emportant avec lui notamment la plus prestigieuse « hétraie-cathédrale » patrimoniale (forêt de Lyons) de Normandie. Mais au-delà de ce symbole, l’étude pointe l’ensemble des conséquences liées au réchauffement climatique, et notamment.

  • L’augmentation de la température de l’eau (+ 2° en moyenne à l’échelle du bassin de la Seine).
  • L’accroissement du risque d’inondations (Il est dû à l’élévation du niveau de la mer conjuguée à la concomitance d’évènements météorologiques défavorables et de forts coefficients de marée.)
  • La baisse de rendement de certaines cultures comme le maïs à cause du stress hydrique.

Les leviers d’actions possibles

Mais plutôt que de se contenter de dresser une liste des risques, l’Agence a identifié les leviers d’actions possibles pour affronter cette révolution.

Ainsi, pour chaque type d’espace, elle met en lien une série de recommandations.

Pour les espaces agricoles  :

  • La restauration d’un relief végétal diversifié, sous la forme d’arbres, d’arbustes et de haies en lisière des parcelles agricoles. Ces formations végétales sont d’importants supports de biodiversité, permettent aussi le stockage naturel du carbone et sont des éléments importants de régulation hydraulique.
  • La restauration de mares, pour leur fonction de support de biodiversité.
  • La réduction de la taille des parcelles agricoles et l’inflexion du modèle extensif et intensif, notamment pour l’exploitation céréalière majoritaire sur le Grand territoire.
  • Le renforcement de pratiques agricoles permettant de conserver et d’améliorer la qualité des sols (rotation des cultures, jachères, moindre labour…). Ces enjeux se retrouvent notamment dans la trame brune, dédiée aux sols vivants. Sur le même principe que la trame verte et bleue (TVB), elle a pour objectif de mieux identifier les ruptures, et d’orienter les actions pour renforcer la continuité des sols.

Pour les forêts :

  • La préservation des intérêts de la biodiversité par rapport aux activités humaines, et la sanctuarisation de ces espaces au regard des fonctions qu’ils détiennent. Qu’il s’agisse d’extension urbaine, de sylviculture ou de chasse, l’exploitation des espaces naturels et forestiers peut être soumise aux enjeux prioritaires de préservation des milieux.
  • Le renforcement du rôle de corridor écologique de ces espaces, et leur restauration en cas d’absence.
  • L’adaptation des forêts par le choix d’espèces adaptées au feu et à la sécheresse.
  • L’adaptation des essences végétales implantées sur le Grand territoire. L’Office national des forêts (ONF) préconise par exemple l’introduction du concept de « forêt mosaïque », permettant de renforcer la diversification des essences et de varier les modes de sylviculture.

Pour les espaces périurbains :

  • La limitation de l’artificialisation des sols, plus particulièrement en extension ou en rupture du tissu urbain existant.
  • L’identification et le renforcement des continuités écologiques existantes au sein des espaces urbanisés (jardin des particuliers, restauration des mares, etc.).
  • L’amélioration de la perméabilité entre les espaces agro-naturels en front d’urbanisation afin de favoriser les continuités écologiques.
  • L’appréhension des risques de ruissellement des eaux pluviales et des coulées de boue au sein des zones urbanisées les plus vulnérables (habitat, zone d’activités, infrastructure, etc.).

Pour les espaces urbains :

  • La renaturation, plus particulièrement dans les zones exposées au phénomène d’îlots de chaleur : la végétalisation des espaces publics comme les rues, places ou encore les cours d’école (plantation d’arbres, murs et toits végétalisés, désimperméabilisation des sols) permet de limiter l’envolée des températures lors des pics de chaleur et favorise la formation d’îlots de fraîcheur.
  • La restauration et la création de continuités écologiques (trames verte et bleue) afin de maintenir la biodiversité (déplacements des espèces entre deux réservoirs, préservation des habitats, etc.).
  • Un système de gestion hydraulique avec une meilleure infiltration des eaux pluviales qui permet notamment de limiter le risque d’inondations/
  • L’anticipation des crues en zones inondables afin de limiter les coûts environnementaux, humains et économiques (rehaussement des quais, dragage renforcé de la Seine, réaménagement voire délocalisation de zones urbaines exposées).

Ainsi conclut l’étude, « face à l’urgence climatique, la révision de nos modes de consommation et de production est prioritaire ». Si le « Zéro Artificialisation Nette » représente, « un grand bouleversement dans la manière de concevoir l’aménagement, elle représente également une opportunité de travailler collectivement à la transformation essentielle et de grande ampleur de notre société ».

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