
Résumé d'auteur - L’observation du territoire est en pleine montée en puissance. Les technologies de l’information et de
la communication contribuent largement à cette expansion du champ d’action et de réflexion des
aménageurs, des décideurs et des géographes. Les projets de recherche auxquels nous avons contribué
nous ont permis de nous confronter à une réalité des pratiques des acteurs locaux. Pour les besoins
d’une étude menée dans le cadre de la mise en place du Schéma de cohérence territoriale du Grand
Besançon, nous avons été sensibilisés aux écarts en termes d’ingénierie territoriale en relation avec les
moyens des municipalités. Nous avons ressenti de la part des élus locaux des tensions et un besoin
grandissant d’informations susceptibles d’éclairer des situations complexes et de les aider à se
positionner par rapport à un écheveau de procédures et de documents d’orientation, d’urbanisme ou de
planification. En participant au développement d’un premier observatoire socio-économique, nous
avons compris la nécessité de réunir des acteurs autour d’un dispositif fédérateur. Il s’agissait alors
non seulement d’assurer l’opérationnalité d’une solution technologique mais aussi d’organiser le
maillage entre les différentes sources de données. Observer le territoire, tel était l’objectif. Or, au
contact des représentants des différentes institutions, à l’occasion des réunions techniques et des
entretiens individuels, le territoire est apparu toujours plus complexe et en même temps toujours si
différent selon les interlocuteurs rencontrés. En parallèle de tout cela, nous participions au
déploiement des outils de la géographie. Nous nous retrouvions alors dans une position ambivalente
du chercheur qui structure, organise, rend opératoire une approche, des relations entre acteurs, des
réseaux. Ce faisant nous devenions acteur au sein d’un système de décision et d’action. L’enjeu était
celui de la mobilisation la plus large dans la perspective de constituer un corpus de données et des
représentations adaptées aux besoins d’un partenariat hétérogène. Les premières réflexions reposent
donc sur une approche empirique et pragmatique en relation avec une commande exprimée par des
institutions.
De tout cela, nous en retirons, un savoir-faire en matière d’outils et de système d’information
géographique. Nous en retenons également nombre de questions qui guident ce travail. Comment
représenter un territoire si cette notion ne repose pas sur une définition partagée ? Quelles solutions
techniques proposer pour un objet mal défini ? Partant, nous avons conduit des recherches sur cette
notion très à la mode. En se rapportant à la littérature et à différents points de vue issus de la recherche
académique, nous arrivons au constat qui consiste à dire que le territoire est une notion que l’on ne
parviendra peut être pas à définir précisément de manière consensuelle. Face à ce dilemme et à la
nécessité d’apporter des réponses opératoires lors des projets de recherches, nous avons contourné le
problème en ne nous arrêtant pas à une définition particulière, mais en nous intéressant au processus
qui conduit à la construction des territoires : la territorialisation. Le territoire se révèle alors sous la
forme d’une représentation combinant des dimensions matérielles et immatérielles. L’espace est alors
Territoire, observation et gouvernance : outils, méthodes et réalités
présent sans être contraignant. L’interface entre les représentations individuelles et collectives
s’effectue alors au moyen d’objets frontières. Cette approche conceptuelle et épistémologique se
prolonge par une tentative de modélisation mathématique de la territorialisation. Se faisant, nous
cherchons à transformer notre point de vue en un objet frontière susceptible de faire le lien avec
d’autres approches et d’autres disciplines. Nous retrouvons tout cela au cours de notre première partie.
Les succès et les infortunes rencontrés lors du développement de deux observatoires nous ont permis
de contribuer à des solutions innovantes en matière de gestion et de traitement des données
géographiques. Or ce qui apparaît innovant à un moment sous l’effet de l’émergence des technologies
de l’internet perd un peu de son lustre dès lors que ces technologies se popularisent. Pour autant un
grand besoin de se comparer avec d’autres situations s’est fait ressentir. La comparaison ne portait pas
tant sur les technologies artisanales ou avant-gardistes que sur la manière dont des observatoires
oeuvrant dans des domaines proches de ceux sur lesquels nous avons travaillé appréhendent la
complexité du territoire. Pour ce faire nous avons interrogé une trentaine d’observatoires par le biais
d’un questionnaire administré à distance. Notre objectif étant de mieux comprendre ce à quoi
correspond la fonction d’observation. Cette seconde partie du travail révèle des situations très
contrastées et l’absence d’un modèle consensuel qui sont les signes de réalisations opportunes et non
d’une approche normalisée.
La question qui découle de tout cela est de savoir comment se mettent en place une telle fonction et
l’organisation qui va la supporter ? Autrement dit, quels sont les systèmes de gouvernance pour et par
l’observation ? Pour répondre à ces questions, à l’aune d’une approche du territoire qui prend appui
sur la complexité, de quelques enseignements tirés de l’enquête menés auprès des observatoires et
surtout de réalisations pratiques qui nous ont mis au contact du terrain, nous sommes amenés à
repenser les relations entre les acteurs à travers l’instrumentation de l’information géographique. Nous
réinterrogeons alors les structures et les organisations qui se mettent en place ou qu’il conviendrait de
mettre en place de manière à renforcer la prise en compte des approches territoriales, des multiples
échelles, des réalités économiques locales, et le développement des synergies, de la cohérence des
interventions publiques, ou encore la rationalisation des flux informationnels. Il s’agit par là même de
réfléchir à la manière d’assurer une certaine pérennité aux dispositifs d’observation dont la légitimité
se trouverait renforcée au regard des enjeux des politiques d’aménagement de l’espace et de
développement local.
Ce travail s’inscrit dans le cadre du paradigme de l’intelligence territoriale. Notre approche
scientifique de la complexité est essentiellement empirique et fait référence de manière récurrente à la
systémique. Elle nous conduit néanmoins vers des réflexions théoriques, conceptuelles,
méthodologiques, organisationnelles et fonctionnelles dans un domaine – celui de l’observation – qui
reste, semble-t-il, encore largement à explorer. NB: